Deux professeurs de droit parlent de droit. Le premier, Léon Duguit, dit : « Je n’ai jamais dîné avec une personne morale » (1). Le second, Jean-Claude Soyer, lui répond : « Moi non plus, mais je l’ai souvent vu payer l’addition » (2)…
Le dialogue est court. Pourtant, il résume parfaitement l’esprit la loi du 1erjanvier 2017faisant obligation au chef d’entreprise de désigner ses salariés ayant commis une infraction constatée par un radar ou « à la volée » (sans interpellation).
La Cour de cassation, par quatre arrêts du 11 décembre 2018 (Cass. Crim. 11 déc. 2018, numéros 18-90020, 18-81320, 18-82820, 18-.82631),a validé l’obligation de désignation. Toutefois, il reste une brèche de défense.
Léon Duguit : « Je n’ai jamais dîné avec une personne morale »…
Depuis le 1erjanvier 2017, l'article L. 121-6 du code de la routecontraint les chefs d’entreprise à désigner leurs salariés auteurs d’une infraction constatée sans interpellation (feu rouge, excès de vitesse, téléphone tenu en main etc.).
La loi pénale est d’interprétation stricte (article 111-4 du code pénal).
Dès lors :
Or, dans les procédures traitées par le cabinet IOSCA (avocats permis de conduire):
L’article L. 121-6 du code de la route, précise pourtant que l’infraction doit être relevé à l’encontre du « représentant légal de cette personne morale ».
Et pour cause, une personne morale ne peut commettre une infraction pénale toute seule. « Je n’ai jamais dîné avec une personne morale »…
Il y a donc erreur de cible ; avant de poursuivre et condamner une société (personne morale), il faut que l’un de ses dirigeants ou représentants (personnes physiques) soient reconnus coupables d’une infraction.
« Les personnes morales, à l'exclusion de l'État, sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants » (article 121-2 du code pénal).
La chambre criminelle de la Cour de cassation a tenté de sauver la nouvelle loi par quatre arrêts du 11 décembre 2018 (Cass. Crim. 11 déc. 2018, numéros 18-90020, 18-81320, 18-82820, 18-.82631):
« Vu l’article L. 121-6 du code de la route, ensemble l’article 121-2 du code pénal ;
Attendu que le premier de ces textes, sur le fondement duquel le représentant légal d’une personne morale peut être poursuivi pour n’avoir pas satisfait, dans le délai qu’il prévoit, à l’obligation de communiquer l’identité et l’adresse de la personne physique qui, lors de la commission d’une infraction constatée selon les modalités prévues à l’article L. 130-9 du code de la route, conduisait le véhicule détenu par cette personne morale, n’exclut pas qu’en application du second, la responsabilité pénale de la personne morale soit aussi recherchée pour cette infraction, commise pour son compte, par ce représentant».
La tentative de sauvetage de la Cour de cassation était prévisible mais reste contestable.
En effet, les juges de la chambre criminelle rappellent - au visa de l’article 121-2 du code pénal - que la responsabilité pénale de la personne morale peut (aussi) être recherchée lorsque l’infraction est commise pour son compte par son représentant.
Or, dans les procédures étudiées par le cabinet IOSCA (avocats code de la route), ledit représentant n’est jamais mentionné, que ce soit dans le procès-verbal de constat de l’infraction ou dans la citation devant le 4 de Police.
Pour condamner une personne morale, il faut que l’un de ses représentants ait été condamné préalablement pour une infraction pénale. Dans les dossiers plaidés par le cabinet IOSCA (avocats droit routier), pas de trace du représentant légal…
Résultat : société relaxée.
L’article 131-38 du code pénalprévoit que : « Le taux maximum de l'amende applicable aux personnes morales est égal au quintuplede celui prévu pour les personnes physiques par la loi qui réprime l'infraction ».
Autrement dit, le code pénal permet de multiplier par 5 les amendes lorsqu’elles sont adressées à une société (personne morale). « Moi non plus, mais je l’ai souvent vu payer l’addition »…
300 euros quand on peut en obtenir 1 500 euros, l’Etat ne se prive pas.
Quand on pense que l’infraction initiale est souvent un excès de vitesse inférieur à 20 km/h… Ne pas dénoncer cet excès de vitesse mineur est devenu plus grave que de le commettre.
En toutes hypothèses, continuez de contester les avis de contravention pour non désignation.
Ils sont toujours contraires à l’article L. 121-6qui les a fait naître.
Non désignation : le combat continue.