Vous l’entendez depuis lundi, partout, et sur tous les tons : la mortalité routière est en hausse. Selon un premier bilan provisoire de l’année 2016 réalisé par l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (l’ONISR, reprenez votre souffle), 3469 tués sont à déplorer, soit une augmentation de 0,2% par rapport à 2015. Une déception pour le ministre de l’Intérieur qui appelle à « poursuivre les efforts », tandis que la présidente de la Ligue contre la violence routière - la toujours très mesurée Chantal Perrichon - évoque de son côté « l’échec » d’un « quinquennat funeste ». N’attendez pas de moi que je me réjouisse. Sur la route comme ailleurs, chaque mort est un mort de trop. En revanche, ce constat ne doit pas nous interdire de réfléchir et de mettre en perspective ces statistiques peu reluisantes. Car en matière de sécurité routière, le vieil adage « on fait dire ce qu’on veut aux chiffres » s’applique à merveille. Établir un bilan annuel des victimes de la route n’a de sens que si l’on tient compte d’une donnée essentielle dont nos gouvernants ne parlent jamais : celle du trafic routier. Si le Luxembourg n’a déploré que 33 tués en 2015, ce n’est pas grâce à la prudence de ses habitants mais parce le nombre d’usagers circulant chaque jour sur son réseau est 100 fois moins élevé que chez nous. Or si l’on examine l’évolution du trafic en France, ces mauvais chiffres apparaissent sous un jour nouveau. Depuis cinq ans, le nombre de kilomètres parcourus tous véhicules confondus augmente en moyenne d’environ 1% par an selon l’ONISR. Si 2016 ne fait pas exception, ce ne sera plus une hausse mais bel et bien une baisse de la mortalité routière par rapport au trafic global que l’on pourra constater. Et c’est bien cette statistique et celle-là seule qui fait sens en terme de tendance à la hausse ou à la baisse. Allons plus loin en faisant un rappel utile. Entre 2000 et 2015, le nombre de morts sur les routes a chuté de 50%selon les chiffres officiels de l'ONISR. Impressionnant, non ? Mais ce qui l’est encore plus, c’est que sur la même période le trafic routier a bondi de 12%, toujours d’après l’ONISR. Une performance remarquable à double titre qui contredit sèchement les discours apocalyptiques rabâchés par l’Etat année après année. Sans doute parce que reconnaître cette réalité ne permettrait plus de justifier une politique de sécurité routière toujours plus répressive et lucrative…