Limitation de vitesse à 80 km/h hors agglo : indignez-vous !

C'est un projet, mais tout indique qu'il sera suivi d'effet. Le centre national de la sécurité routière - des anonymes payés avec vos impôts pour décider de ce qui est bien pour vous sans vous consulter - doit annoncer le 16 mai une série de recommandations destinée à faire chuter le nombre d'accidents sur les routes. Parmi les idées lumineuses dégainées par ces technocrates de génie, l'abaissement de la limitation de vitesse sur les routes hors agglomération, c'est-à-dire nationales et départementales. Celle-ci passerait alors de 90 km/h à 80 km/h. Original, non ? Pas tellement à vrai dire. Depuis une dizaine d'années, la vitesse est - avec l'alcool au volant - l'ennemi juré des politiques de sécurité routière. Marotte numéro un, les radars bien sûr, toujours plus nombreux, toujours plus perfectionnés, et leurs amendes toujours plus salées. Le problème c'est qu'un radar, ça coûte cher. Depuis quelques mois, la solution miracle - et meilleure marché - est donc de s'attaquer aux limitations de vitesse. Le périphérique parisien est passé de 80 km/h à 70 km/h sans provoquer de remous. Les routes nationales vont donc certainement suivre. Pas besoin d'être Madame Soleil pour deviner que les autoroutes sont déjà dans les jumelles du législateur. Tout cela, nous dit-on, doit faire baisser le nombre de morts au volant. Et si vous êtes contre, c'est que vous vous réjouissez que des gens se tuent chaque jour sur nos routes. Ce raisonnement serait valide s'il n'était pas aussi faux que bêtement culpabilisant. L'Allemagne, où les limitations de vitesse cohabitent avec de larges zones sans la moindre limitation, possède un taux de mortalité inférieure de 20% à celui de la France. Ce n'est pas un discours de politicien, c'est un fait statistique. A cela, les gardiens de la bonne morale nous répondent : "C'est normal, les Allemands sont disciplinés. En France, seule la menace de s'en prendre au portefeuille fonctionne". Osons réfléchir un instant. Et si c'était l'inverse ? Et si les Allemands avaient appris à s'autodiscipliner précisément parce que l'Etat leur fait confiance ? Et si la nature humaine était faite de telle façon qu'en l'absence de règles préétablies, on est amené à se poser soi-même des barrières ? Et si l'on était finalement plus attentif à soi-même et donc aux autres lorsque rien n'est prévu pour nous fixer des limites ? Et si, au bout du compte, ces lois censées garantir notre sécurité n'avaient d'autre effet que de nous infantiliser, en nous obligeant à focaliser notre attention sur un nombre affiché sur le tableau de bord plutôt que sur l'environnement qui nous entoure ? Je suis de ceux qui croient que la récente chute du nombre de morts sur les routes de France n'a rien à voir avec le durcissement de la répression, ou si peu. Je crois que, de la même manière que les hommes font moins la guerre qu'il y a 100 ou 1000 ans, les automobilistes comprennent peu à peu qu'ils ont tout à gagner à faire attention à leur comportement. Pour les autres, mais aussi pour leur propre sécurité et celle de ceux qu'ils aiment. A-t-on eu besoin d'une loi pour que les Européens cessent de se lancer des bombes ? A-t-on besoin de dresser des amendes pour que la peine de mort recule partout dans le monde ? A-t-on été obligé de rédiger des P.V. pour mettre fin à l'esclavage ? Ce discours, vous ne l'entendrez pas dans la bouche du gouvernement. En attribuant la chute de la mortalité à son action répressive mais surtout lucrative, l'Etat s'autorise à aller toujours plus loin. Et s'assure de votre obéissance. Ainsi, cette baisse annoncée de la limitation de vitesse sur les routes nationales ne devrait pas provoquer mouvement de protestation. C'est une erreur. L'automobiliste n'est pas un criminel. C'est un citoyen comme les autres. Avec ses défauts, ses qualités. Et jadis, sa capacité de révolte. Puisse cette dernière se réveiller.