La rentrée est là. J'espère que tout le monde a pu profiter au maximum de ses vacances. J'espère aussi que vous avez été prudents sur la route. Bon, j'en vois déjà qui tournent le regard (on prend rendez-vous ?), mais pour la majorité d'entre vous, je sais que vous avez été sages. Ce n'est pas moi qui le dit, c'est notre Guide Suprême à tous, la Sainte Sécurité Routière. L'été 2014 est en effet le moins meurtrier depuis la création des statistiques officielles en 1948, avec une chute de 9,5% des accidents mortels par rapport à l'été précédent. C'est une bonne nouvelle, je m'en félicite. Je voudrais aussi vous féliciter, vous, mes fidèles lecteurs, pour votre sens des responsabilités. Je vous préviens tout de suite, je serai le seul à avoir cette attention. Car officiellement, vous n'y êtes strictement pour rien. Selon le ministre de l'Intérieur, ces bon chiffres n'ont qu'une explication : "Les dispositifs de prévention et de contrôle ont porté leurs fruits". Mieux : un responsable d'une association dont j'ai bien fait d'oublier le nom assurait sur une radio nationale que ces résultats positifs étaient "une conséquence de la mauvaise météo". Forcément. Nous, conducteurs, ne sommes que de misérables cloportes sans âme. Nous nous fichons pas mal de notre vie et de celle des autres. C'est la répression, la peur de l'amende, et donc du képi, qui nous pousse à la prudence, et fait baisser les chiffres de mortalité. D'ailleurs, de la même manière, la peur de la prison entraîne une baisse continue de la délinquance bien visible de tous. Non ? Ah bon ? Voilà la bêtise du raisonnement. Si la prévention et la peur de la répression avait un impact réel, il n'y aurait plus de délinquance. Il n'y aurait plus de criminel. Il n'y aurait plus de mort sur les routes. Je crois que si la crainte du contrôle et donc de l'amende existe, elle n'a qu'un rôle mineur dans ces bons chiffres. Je crois que s'il n'y a plus de guerre entre la France et l'Allemagne depuis 50 ans, ce n'est pas simplement grâce aux Conventions de Genève. Je crois qu'une société mâture, économiquement stable, et massivement éduquée, devient plus raisonnable. Je crois qu'en atteignant le confort pour soi, on se préoccupe de celui des autres. Je crois que notre connaissance des horreurs du passé et de celles encore en vigueur dans certains pays nous fait prendre conscience du caractère précieux de notre existence. Vous n'entendrez jamais ces mots de la bouche de notre ministre. Tout le système repose sur le postulat que nous sommes des crétins irresponsables et assoiffés de sangs. Reconnaître que la responsabilité devient le sens commun entraînerait un allègement de la répression. Et une sévère vidange des caisses de l'Etat... Bien sûr, cela n'arrivera pas. Si demain, il n'y avait plus aucun mort sur les routes, vous ne serez pas davantage félicités. L'Etat glorifiera sa politique de répression, et proposera d'accroître encore les contrôles pour maintenir cet état de grâce. On parie ? Bonne rentré à tous. Et surtout bravo.