Le droit français est ainsi fait : il n’y a pas d’obligation générale de dénoncer une personne susceptible d’avoir enfreint la loi. Cette règle souffre néanmoins quelques exceptions, notamment pour les faits graves, comme les crimes, ou les actes de maltraitance envers un mineur. Personne ne s’en plaindra.
Mais pour l’immense majorité des infractions, à commencer par les moins graves, les contraventions, c’est à chacun d’entre nous, en notre âme et conscience, de décider ce qui doit être porté ou non à la connaissance de la justice.
Ce principe ancestral vient d’être brutalement remis en cause par l’Etat. Et comme souvent, ce sont les usagers de la route, cobayes préférés des gouvernants à court d’idée, qui inaugurent ce revirement de paradigme. Depuis le 1er janvier, tout chef d’entreprise propriétaire d’une flotte de véhicules a l’obligation de dénoncer tout employé suspecté d’avoir commis une infraction. Ne pas révéler l’identité du conducteur indélicat est désormais puni d’une amende de 735 € maximum. Encore faut il que l’employeur soit en mesure de donner un nom… nombre de société laissent à la disposition de leurs salariés un parc automobile dont ils disposent à leur guise. Mieux, dans certaines sociétés deux ou trois salariés « tournent » avec la même voiture. Les sociétés doivent tenir à présent une liste précise et quotidienne du salarié conducteur, jour par jour, heure par heure….
Jusqu’ici, ce n’est pas l’immunité qui régnait, mais le bon sens. En cas d’infraction commise avec un véhicule de sa flotte, le chef d’entreprise recevait un avis de contravention, libre à lui de dénoncer l’employé ou non. S’il décidait de ne pas révéler l’identité du conducteur, l’employeur réglait lui-même le montant de l’amende, sans possibilité de retrait de points, ni sur son permis de conduire ni sur celui du salarié. Le cas échéant, la contravention était transmise à l’employé, qui risquait de voir ses points s’envoler en plus de l’amende.
Les mots me manquent pour dire à quel point cette réforme me révolte. Soyons clairs : hier comme aujourd’hui, aucune entreprise sérieuse ne prend le risque de couvrir un dangereux criminel de la route multirécidiviste.
Mais la loi telle qu’elle était permettait aux professionnels contraints de se déplacer fréquemment pour leur activité de continuer à nourrir leur famille en préservant leurs points. Aucun conducteur n’est infaillible. Or celui qui parcourt 20.000, 30.000, voire 50.000 km par an verra forcément, un jour ou l’autre, une faute d’attention ou une erreur de jugement se transformer en infraction. C’est une évidence statistique. Sur la route, le seul conducteur qui peut se vanter de ne jamais commettre un écart, c’est celui qui laisse son véhicule dormir au garage.
Mais ce qui m’écœure le plus, c’est le sens profond de cette nouvelle disposition, et le précédent qu’elle créé. Pour la première fois dans notre histoire, ne pas dénoncer une infraction mineure devient répréhensible. Ne pas livrer à la justice le nom d’une personne (salarié) qui commet un dépassement minime vous condamne à une amende particulièrement lourde. J’ose les mots : cette brèche ouverte par le législateur est un appel du pied à la délation généralisée. Car demain, quels sont les actes ou qui sont les personnes que l’Etat nous obligera à dénoncer sous peine d’amende ?
Bien entendu, le Cabinet IOSCA a déjà contesté cette loi inique devant les juridictions.
Comment combattre cette loi ... ??? :
Le salarié « dénoncé » par son employeur contestera la contravention en demandant sa comparution devant le 4 de proximité. Pas de consignation à faire.
Une fois convoqué, il lui suffira de faire valoir qu’il n’est pas détenteur de la carte grise du véhicule (impossibilité de la condamner comme pécuniérement redevable de l’amende sur L 121-3) mais encore moins comme conducteur du véhicule car le cliché du flash ne fait pas apparaître le visage du conducteur. RIEN !!! (pas d’amende ni de retrait de point pour le salarié).
Vous allez me dire « tout ça pour quoi alors … ? »
L’Etat fait le pari que quelques chefs d’entreprise feront la forte tête (750 € d’amende) en s’accrochant à leurs principes ou que les salariés ne contestent pas, par manque de temps ou de rigueur.
Je remarque pour finir que cette loi est créatrice de chômage :
le salarié dénoncé et « non-procédurié » perdra ses points rapidement et son permis dans la foulée.
Prenons l’exemple d’un chauffeur routier, quelle société le reclassera à la comptabilité en attendant 6 mois qu’il repasse son permis, d’autant que son contrat de travail prévoit que son permis doit être valide pour exercer son métier ?.
Il sera licencié immédiatement pour une cause réelle et sérieuse incontestable devant le Conseil des Prud’hommes.
Je n’ose pas imaginer une seule seconde que le Gouvernement ait eu cette idée de dénonciation pour permettre à certains chefs d’entreprise d’écrémer à moindre coût les effectifs …. Non je sais je vais trop loin ….
Enfin maintenant vous savez tous, employeurs et salariés comment vous battre !!
Ne vous laissez pas faire.