Le 14 mars 2020[1], à la suite du passage en stade 3 du plan de lutte contre l’épidémie, le Premier ministre a décidé de fermer tous les lieux recevant du public non indispensables à la vie du pays.
Dix jours plus tard, la loi d'état d'urgence sanitaire était publiée au Journal officiel pour une durée de deux mois. Ces mesures a eu un impact considérable sur le monde judiciaire.
La mesure la plus conséquente est bien entendu le confinement à domicile de la population.
Des mesures ont été prises pour réduire les contacts et déplacements au minimum, dont la liste exhaustive est dressée sur les attestations de dérogation.
L'atteinte à la liberté d'aller et venir inclut inévitablement une restriction du droit de conduire. Les contrôles se multiplient afin de vérifier les motifs de déplacements. Entre le 17 et le 31 mars, 359 000 procès-verbaux ont été dressés pour pénaliser les Français ne respectant pas les consignes du confinement, mis en place pour lutter contre la propagation du Covid-19.
Restriction... mais pas interdiction. Ces mesures ne font pas obstacle à des déplacements en voiture, afin de se rendre sur le lieu d’exercice de l’activité professionnelle, à des consultations de soins ou encore pour motif familial impérieux.
La fermeture des tribunaux, exception faite des « contentieux essentiels », ne signifie pas une cessation des contrôles routiers. Aussi exceptionnelle soit-elle, la période de crise sanitaire est propice aux inattentions, aux accidents, et aux comportements à risque. Le Ministère de l'Intérieur enregistre d'ailleurs une hausse de 16% de grands excès de vitesse – supérieurs à 50 km/h – depuis la mi-mars.
Nul n'est alors à l'abri d'une infraction au Code de la route.
Des contraventions apparaissent, avec des amendes de 135 euros en cas de non-respect des mesures de confinement, passant à un montant forfaitaire de 200 euros en cas de récidive.
De nouvelles peines sont instaurées : lors de quatre violations dans les 30 jours, la contravention devient un délit puni de 6 mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende, avec possibilité de suspension du permis de conduire pendant 3 ans.
La conduite avec masque pour les personnes porteuses du virus Covid-19 suscite des interrogations quant à la bonne visibilité du conducteur, condition sine qua none prévue par le Code de la route. Il faut également attirer l’attention sur la situation des conducteurs dont le permis a été invalidé ou suspendu au moment du confinement. Nombre de français confinés ont besoin de leur véhicule pour les achats de première nécessité ou pour se rendre sur leur lieu de travail. En raison de la lutte contre la propagation du virus, les transports en commun ou le covoiturage ne sont plus des options envisageables. Mais la conduite d’un véhicule malgré invalidation (notification du solde de points nul) ou suspension (judiciaire ou administrative) du permis constitue un délit, passible d’une peine d’emprisonnement, d’une lourde amende, et d’autres peines complémentaires.
En cette période exceptionnelle, les conducteurs ne doivent pas hésiter à consulter un conseil juridique qui pourra assurer la meilleure défense de leurs intérêts. Il est enfin utile de préciser que, si la loi d'état d'urgence sanitaire prévoit la suspension des délais judiciaires et administratifs, cela ne concerne pas les sanctions[2].
Or, le contentieux routier est principalement composé de sanctions, telles que la suspension administrative et l'invalidation du permis de conduire.
D'une part, certaines infractions au Code de la route sont suffisamment graves pour qu'une sanction préventive soit prise en attendant la décision judiciaire. Il s'agit de la décision référencée « 1F » ou « 3F », qui porte suspension administrative du permis de conduire.
D'autre part, il est important de rappeler que la peine prévue par le Code de la route s’accompagne généralement d’une sanction administrative qui est la perte de points.
En cas de perte de la totalité du capital de points, la sanction est l’invalidation du permis de conduire, à la suite de la notification de ce solde nul par le Fichier National des Permis de Conduire.
Ces décisions sont notifiées au conducteur par par lettre recommandée avec accusé de réception.
À partir de là, deux possibilités se présentent au justiciable. S’il signe le recommandé, un délai de deux mois est ouvert pour contester les décisions litigieuses. S’il refuse de signer, ou que personne n’est en capacité de signer, la décision administrative attendra 15 jours au bureau de Poste que son propriétaire la réclame, faute de quoi elle sera réputée avoir été notifiée au jour de la présentation au domicile.
Nous l’avons dit, l’arrêté du 14 mars 2020 a prévu la fermeture de tous les lieux recevant du public qui ne sont pas indispensables à la vie du pays – ce qui implique de nombreux services de l’administration, mais également des bureaux de poste.
Les « gestes barrière » font obstacle à la notification régulière des décisions administratives. Certains justiciables ont ainsi découvert la lettre 48SI au bout de quelques jours, celle-ci ayant simplement été glissée dans la boîte aux lettres.
Aucun délai n’est aménagé en termes de sanctions, ce qui oblige le justiciable à être réactif dans sa prise de décision. En cas de suspension administrative, des recours doivent être introduits auprès de la Préfecture compétente et auprès du 4 administratif de son lieu de résidence. L’invalidation du permis de conduire peut faire l’objet d’un recours gracieux auprès du Ministère de l’Intérieur et d’un recours contentieux auprès du 4 administratif.
Il s’agit donc de rester vigilant quant aux délais des procédures initiées par ces administrations.
Et cette vigilance devra perdurer à l'issue de la « période spéciale » : l’ordonnance du 24 mars 2020 prévoit que la suspension des délais de prescription à compter du 12 mars 2020. Ils ne recommenceront à courir qu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, soit le 24 juin 2020.
Une difficulté supplémentaire à prendre en compte au moment de l'étude de la procédure...
Le permis de conduire reste un outil indispensable en période de confinement. La perte du droit de conduire peut avoir des conséquences d’autant plus importantes que le justiciable est particulièrement isolé, autant que le plan humain que sur le plan juridique. La succession d’ordonnances et de décrets ne lui permet pas de connaître parfaitement ses droits en cette période de crise. Une prise d’information complète et concise est donc recommandée auprès de professionnels du droit pénal routier.
[1] Arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19
[2] [2]Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19