Contre la pollution, sus aux automobilistes !
Il aura fallu du temps. Cinq jours complets pour que l'Etat trouve enfin le coupable idéal de la pollution atmosphérique. Le chauffage ? Mais non, et puis il faut bien se chauffer. L'industrie ? Mais non, il faut bien faire des bénéfices. Les centrales à charbon allemandes dont les rejets parviennent jusqu'à nous à la faveur des courant atmosphériques ? Mais non, et puis vive l'Europe. Mais alors qui est responsable de ce désastre ? Mais c'est bien sûr : les automobilistes pardi !
Louons nos gouvernants pour nous avoir laissé imaginé quelques heures que les conducteurs ne seraient pas une fois encore les dindons de la farce. Pour le reste, il y a de quoi manger son filtre à particules : déjà irresponsables patentés et meurtriers de masse, les automobilistes - l'aurait-on oublié ? - sont bien évidemment les seuls responsables de la fonte de la calotte glacière et de la lente agonie des bébés phoques.
Tant pis si les études scientifiques contredisent cette lubie étatique. Car de nombreux travaux montrent que les particules fines sont avant tout émises par les centrales à charbon allemandes, et le chauffage au bois des pays scandinaves, dont les rejets voyagent jusqu'à nous et stagnent dans l'air à la faveur de l'anticyclone. La part des automobilistes franciliens dans cette pollution est en réalité minime, voire négligeable : les voitures à essence et les véhicules au diesel produits après 2005 n'émettent pas ce type de particules. Reste les diesels construits avant cette date, et encore, beaucoup n'en rejettent qu'une dose infime. Mais peu importe la science. Conducteurs, vous êtes coupables.
Voici donc votre peine : à partir de 5h30 ce lundi, les automobilistes franciliens dont la plaque d'immatriculation - hors numéro de département - se terminent par un chiffre impair seront les seuls à pouvoir conduire dans Paris et 22 communes limitrophes de la petite couronne (1). La circulaire prévoit un certain nombre de dérogations : livraison de produits frais, ambulances, livreurs de journaux, taxis... Pour les autres, débrouillez-vous. Chômeurs devant se rendre à un entretien d'embauche, travailleurs précaires, personnes âgées à mobilité réduite... En tapant sur les automobilistes, on n'oublie trop souvent qu'on tape aussi sur les plus faibles. Car ceux qui ont le portefeuille garni auront toujours la possibilité de commander un taxi.
Les contrevenants pourront se voir dresser une amende de 22 €. Celle-ci pourra être contestée devant le 4 administratif, puis devant le Conseil d'Etat en cas d'échec, mais le processus à engager n'est pas simple et le résultat est loin d'être garanti. Le plus simple sera donc de se conformer à ce nouveau caprice démagogique aux relents pré-électoralistes en attendant que le nuages de pollution s'évapore. Ou que nos gouvernants trouvent un nouveau bouc-émissaire.
(1) : liste complète des communes :
http://www.prefecturedepolice.interieur.gouv.fr/Nous-connaitre/Actualites/Prevention/Circulation-alternee-mode-d-emploi