Depuis le 1er janvier 2017, une obligation pour le moins dérangeante pèse sur le chef d’entreprise.
La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016[1] a créé l’article L.121-6 du Code de la route, qui dispose que « lorsqu’une infraction […] a été commise avec un véhicule dont le titulaire du certificat d’immatriculation est une personne morale ou qui est détenu par une personne morale, le représentant légal doit indiquer [...] dans un délai de quarante-cinq jours [...] l’identité et l’adresse de la personne physique qui conduisait ce véhicule. »
Ainsi, dès lors qu’une infraction au Code de la route est commise avec un véhicule immatriculé au nom de l’entreprise (« véhicule de fonctions »), le responsable légal de ladite entreprise a l’obligation de désigner la personne qui conduisait au moment des faits.
Le responsable légal recevra un premier un avis de contravention, l’informant de la nature, la date et le lieu de l’infraction commise avec le véhicule immatriculée à son nom : excès de vitesse, franchissement d’un feu rouge, dépassement par droite…
L’infraction est donc constatée par un appareil de contrôle automatique homologué, ou « à la volée », sans avoir donné lieu à une interpellation.
Si aucune désignation n’est opérée par l’employeur dans les quarante-cinq jours suivants l’édiction de cette contravention, il recevra un nouvel avis pour « NON DÉSIGNATION D’UNE PERSONNE PHYSIQUE ».
La peine prononcée est lourde : une amende de 675 euros, soit l’amende forfaitaire de 135 euros au quintuple, comme cela est prévu pour les personnes morales[2]. Lorsqu’elle passe en amende forfaitaire majorée, le montant est de 1 875 euros.
Le délai de contestation est, comme pour toutes les contraventions, de 45 jours à compter de la date indiqué sur l’avis, et 30 jours à compter de l’émission de l’amende forfaitaire majorée.
Si le représentant légal veut et/ou peut transmettre l’identité du conducteur du véhicule, il devra transmettre son identité et son adresse par lettre recommandée avec accusé de réception ou sur le site ANTAI.
La jurisprudence exige également des éléments étayant un minimum cette désignation, comme par exemple une preuve d’attribution ou d’utilisation du véhicule utilisé lors de l’infraction[3].
Le conducteur recevra alors un avis de contravention ; il pourra le contester ou décider de payer l’amende.
Le représentant légal a la possibilité de contester, par exemple s’il considère que l’infraction n’a pas pu avoir lieu, soit parce que la personne poursuivie n’est pas une personne morale (voir ci-dessous), soit parce que le véhicule identifié dans l’avis de contravention n’est plus.
Ainsi, il pourra contester en toute sérénité s’il démontre par la suite le vol du véhicule correspondant à l’infraction, une usurpation d’identité, ou tout autre évènement de force majeure.
Le législateur a voulu mettre fin à une vieille pratique qui consistait à éviter une perte de points en cas d’infraction sans interception du véhicule.
C’est le cas d’un certain nombre d’infractions constatées par radar automatique ainsi que les « PV à la volée », c’est-à-dire lorsque les forces de l’ordre font état d’une infraction sans avoir pu interpeller le conducteur.
En vertu de l’article L.121-3 du Code de la route, à défaut de responsabilité pénale – puisque l’auteur n’a pas pu être identifié – le législateur a prévu de faire jouer la responsabilité pécuniaire.
Ainsi, le titulaire du certificat d’immatriculation sera redevable pécuniairement du montant de l’amende relative à l’infraction reprochée.
En cas d’infraction commise avec un véhicule de société, le titulaire du certificat d’immatriculation est alors ladite société.
La personne morale était alors pécuniairement redevable mais ni son représentant légal, ni le conducteur, n’encourraient de perte de points.
Le législateur, en contraignant à la désignation de l’auteur des faits, s’assure que ce dernier n’échappera pas à toute sanction.
Il s’agit de la personne physique légalement désignée pour diriger, représenter et défendre les intérêts de la société.
Tout d’abord, une lecture rigoureuse de l’article s’impose : l’obligation de désignation concerne les personnes morales. Partant, ce texte s’applique pas aux entrepreneurs individuels exerçant en leur nom propre ou comme profession libérale.
La question s’est rapidement posée de savoir qui désigner lorsque le véhicule était justement conduit par le représentant légal. La Cour de cassation a répondu en ce sens qu’il devait alors se désigner lui-même (Cass. Crim., 15 janvier 2019, n°18-82380).
Mais qu’en est-il lorsque l’entreprise n’est composée que d’une seule et unique personne, à savoir la représentant légal ?
Le paiement de l’amende initiale ne valant pas désignation, le représentant légal auteur d’une infraction routière, doit s’auto-désigner et ce même s’il est seul au sein de sa structure.
Cette logique n’a pas manqué d’échapper à bon nombre de représentants légaux, notamment ceux dont ceux dont l’entreprise porte le nom patronymique, qui se sont contentés de payer la contravention initiale.
Afin d’éviter toute confusion, l’avis de contravention relatif à l’infraction de non-désignation a été modifié afin que toutes les informations nécessaires soient clairement délivrées au destinataire[4].
Pour récapituler, l’avis de contravention relatif à l’infraction initiale est adressée au représentant légal, sur qui pèse l’obligation de désignation.
En l’absence de transmission des informations réclamées, un deuxième avis de contravention sera envoyé, cette fois à l’attention de la personne morale.
À préciser que la Cour de cassation, dans un arrêt rendu en janvier 2019[5], a considéré que « les poursuites peuvent être engagées tant contre la personne morale que contre son représentant [...] ». Le 4 de police pourra alors condamner à la fois le représentant légal et la personne morale sur le fondement de l’article L.121-6 du Code de la route ; en cas d’amende forfaitaire majorée, les sommes peuvent s’élever respectivement à 375 euros et… 1 875 euros !
A moins d’être bien défendu, un petit oubli peut se payer très, très cher...
[1] Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle
[2] Articles 131-40 et 131-41 du Code pénal
[3] Cass. Crim., 30 mai 2017, n° 16-86308
[4] Cette modification est intervenue suite à la décision n°2017-328 du Défenseur des droits, du 15 novembre 2017
[5] Cass. Crim, 22 janvier 2019, Pourvoi nº 18-81317