La Chambre Sociale de la Cour de Cassation vient de rendre une décision désastreuse. Coupée de toute réalité économique, elle n’appréhende pas les conséquences financières et sociales de ses délibérations. Les entreprises impactés par cet arrêt de principe sont laissées sans défense alors que c’est l’Administration qui est la seule responsable de cette situation embarrassante.
Cass. Soc 12 Décembre 2012, n° 12-13.522
En résumé :
Un salarié est licencié en raison d’une annulation indue de son permis de conduire. Cette invalidation de la perte du droit de conduire lui est notifiée par recommandé (formulaire 48 S.I), l’empêchant d’exécuter son travail.
L’automobiliste saisi un avocat compétent sur le Code de la Route qui devant le 4 Administratif (comme quasi systématiquement) obtient le retrait du formulaire 48 S.I et la restitution du permis grâce à des vices de procédure ou des erreurs de l’Administration.
Fort de cette première victoire, il saisi, dans un second temps, le Conseil des Prud’hommes pour faire déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’entreprise est condamnée pour l’avoir licencié sans raison !
En langage juridique, c’est ce que l’on appelle le principe de l’effet rétroactif attaché à la revalidation du permis de conduire par le 4 Administratif qui décide d’annuler l’annulation du permis comme si le permis n’avait jamais été annulé.
http://www.maitreiosca.fr/annulation-permis-de-conduire/perte-de-permis/
Selon le principe de séparation des pouvoirs administratifs et judiciaires (article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789) la règle selon laquelle l'annulation d'une décision administrative a un effet rétroactif ne peut être remise en cause par le juge judiciaire. Mais la nouveauté réside dans la possibilité pour le salarié licencié d’attaque son entreprise pour faire juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse puisque son permis n’a jamais été annulé !
Historique de la décision :
M. X, ingénieur technico-commercial, est engagé en 2005 par la société ID construction. Le contrat de travail prévoyait que le salarié effectuerait des déplacements professionnels et par conséquent une voiture de service serait mise à sa disposition. Fin 2008, M. X... informe son employeur de l'annulation de son permis de conduire (perte totale de ses points) et de sa restitution à la préfecture pour une durée de six mois avant de repasser le Code.
M. X... est licencié en janvier 2009, au motif que la société ne pouvait pas employer un ingénieur technico-commercial dans l’impossibilité de se déplacer chez ses clients ni venir de son domicile en Indre-et-Loire au siège social de la société en Loir-et-Cher. Son préavis ne lui est pas payé car il ne peut l'effectuer.
M. X...conteste, à juste titre, l’annulation de son permis de conduire devant le 4 administratif qui quelques mois plus tard, annule les retraits de points, constate l’illégalité de l’annulation du permis et constate le revalidation de son permis de conduire.
http://www.maitreiosca.fr/annulation-permis-de-conduire/perte-de-permis/
Le jugement du 4 Administratif affirme, par une fiction juridique, que le salarié n'a jamais eu son permis de conduire annulé ; et par conséquent, en se plaçant à la date du licenciement, celui-ci ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse, l'impossibilité de conduire étant réputées n'avoir jamais existé.
La suite est logique : la Cour d’Appel d’Orléans a jugé que le licenciement était sans cause réelle et accueille les demandes du salarié : 14.550 € au titre du préavis, 1.455 € au titre des congés payés afférents, 41,09 € (complément d'indemnité de licenciement), 29.100 € (dommages-intérêts pour licenciement infondé) et 200 € (dommages-intérêts pour résiliation anticipée de la mutuelle) et ordonné le remboursement par la société des indemnités de chômage payées à M. X.
Critiques de l’arrêt :
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Une instabilité juridique dangereuse : le motif de licenciement franchit les frontières de l’espace-temps.
Cette décision est critiquée et critiquable au motif que la cause réelle et sérieuse du licenciement devrait, normalement, s’analyser uniquement au moment où la décision de licencier a été prise à la suite de la perte de validité du permis de conduire du salarié.
La remise en cause du licenciement engendré par la revalidation du permis, rétroactivement, fait peser sur l'employeur les conséquences de l'illégalité de la décision administrative annulant la décision d’annulation du permis.
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Cette décision fait plusieurs victimes innocentes
- Le salarié licencié, qui a été obligé de saisir le 4 Administratif, le Conseil des Prud’hommes et un avocat pour faire reconnaître les erreurs juridiques et de jugement commises par l’Administration.
- L’entreprise qui a été condamné à payer des indemnités importantes les conséquences des erreurs de l’Administration : l’annulation illégale d’un permis de conduire.
C’est d’autant plus dommageable que le contexte économique des entreprises est tendu et ces sommes manqueront à d’autres pôles.
Allons plus loin : projetons nous dans le futur !
On peut envisageable que l’Entreprise trompée par l’Administration et condamnée par sa faute puisse assigner l’Etat en responsabilité pour demander remboursement de sommes versées de par sa faute.
L’arrêt :
http://legimobile.fr/fr/jp/j/c/civ/soc/2012/12/12/12-13522/